Benjamin Booker, l’apprenti Jack White
En novembre dernier, pendant que l’on assistait à la prestation de Ought à l’AB, Benjamin Booker ne faisait qu’une bouchée de la Rotonde. Devant un tel engouement, les programmateurs du Botanique ont eu la riche idée de le réinviter ce lundi 9 mars, mais à l’Orangerie cette fois. Ce soir, ce sont les Anglais de Wild Smiles qui ont mis les spectateurs en appétit. Si le trio provient du comté de Hampshire dans le sud du royaume britannique, ses influences lorgnent plutôt du côté des Etats-Unis et de la vague alternative du début des années 90. Il faut dire que la voix du chanteur Chris Peden a des similitudes avec celle d’Eddie Vedder, le leader de Pearl Jam.
Mais, à l’instar de Sonic Youth et des Pixies avec qui ils partagent l’aspect brut et les guitares en avant, ils ne rechignent pas à y incorporer ça et là quelques mélodies entêtantes dont Nada Surf auraient été fiers. Un set intense et sans répit qui augurait du meilleur pour la suite.
Ceci dit, on ne comprend toujours pas pourquoi un album de hip hop a accompagné les roadies lors des derniers soundchecks. A moins que Benjamin Booker, révélation blues rock de l’année dernière, n’ait des goûts plus disparates qu’il n’y paraisse. Le natif de Floride débarqué à La Nouvelle-Orléans n’en finit en tout cas pas de faire parler de lui depuis la sortie de son premier album éponyme il y a six mois.
Un album enregistré sans artifice et de manière analogique, à l’instar d’un Jack White pour qui il a déjà assuré la première partie et utilisé les studios pour l’enregistrement d’un live exclusif. Mais il ne s’agit pas de la seule similitude avec le boss de Third Man Records comme on le verra tout à l’heure.
En attendant, une intro vintage va paver le chemin vers un tribal « Always Waiting » sur lequel l’excellent batteur Max Norton va déjà se mettre en évidence. On dirait par moments celui du Muppet Show, complètement transcendé par la rythmique qu’il met en place. De l’autre côté de la scène, le bassiste Alex Spoto et sa moustache à la movember va lui aussi étaler toute sa dextérité.
Si l’on y ajoute le jeu de guitare minutieux et la voix mature de Benjamin Booker, on est en présence d’un trio d’une efficacité redoutable. Un premier sommet sera d’emblée atteint avec « Old Hearts », juste après un « Chippewa » aux succulentes guitares crasseuses. On a beau dire, on ne peut qu’adhérer au rythme, aussi hors du temps soit-il.
Surtout que le bonhomme vit ses compositions et leur confère une touche unique via son organe vocal modulable, parfois au sein de la même chanson. Ainsi, sur « Kids Never Growing Older », elle passera sans crier gare du stade plaintif à celui de fougueux avec une aisance déconcertante. Et, sur « Falling Down Blues » (une cover de Furry Lewis), elle se montrera rauque et gutturale.
En parlant de reprise, il va également se fendre d’une interprétation musclée du « Shout Bamalama » d’Otis Redding un peu plus tard. Un nouveau point commun avec Jack White qui adore, lui aussi, déterrer de vieux standards oubliés et leur donner une nouvelle jeunesse. En revanche, comme lui, il apprécie tout particulièrement s’écouter jouer de la guitare, ce qui occasionne certaines longueurs dispensables (« Have You Seen My Son? » prendra des airs de jam session alors que le final « By The Evening » sera le morceau de trop).
D’autant que les deux titres précédents, « Wicked Waters » et « Violent Shivers », véritables tubes en puissance, auraient mérité de constituer l’épilogue du concert. Benjamin Booker n’est peut-être pas encore prêt à dépasser le stade d’une heure de prestation, mais cela ne saurait tarder…