Gaz Coombes au Bota : bye bye Britpop
Avec « Matador », son excellent deuxième album solo, Gaz Coombes démontre qu’il reste un auteur compositeur de premier plan. Mais il va désormais plus loin en se créant un univers que la structure de Supergrass l’empêchait de développer. Sa prestation à la Rotonde du Botanique ce mardi 17 février valait en tout cas le déplacement.
D’autant que la première partie avait été confiée à Too Tangled, un duo Gantois bien trop rare sur les affiches des salles belges alors qu’ils sont de véritables stars dans les pays germaniques. A l’écoute de leurs compositions rigides et électro-mélodieuses, on comprend pourquoi ils font chavirer le cœur des teutons.
Si l’on y ajoute la voix rauque d’un chanteur guitariste au look de rock star et celle, plus chaleureuse, de sa compagne à la crinière blonde qui tapote sur un clavier lorsqu’elle ne triture pas un violon, on se retrouve face à un couple d’une redoutable efficacité. Entre The Kills (le mélange des voix et les riffs de guitare incendiaires) et Vive La Fête (pour la touche électronique et l’excentricité).
« Stay Restless », leur troisième album, est sorti voici presqu’un an et on se rend compte que les titres ont gagné en intensité. On pense notamment à « Racing Heart » ou au tubesque « Bad Start » qui vont rapidement conquérir un public particulièrement réceptif. Ils vont également s’approprier le classique de Grauzone (« Eisbär ») à travers une version tout à fait restructurée avant de terminer sur un sinueux « Lust For Blood ». Il est grand temps qu’ils deviennent enfin prophètes en leur pays.
L’aventure de Supergrass a pris fin en 2010 et on avait eu l’occasion de les voir une dernière fois aux Ardentes l’année précédente. Depuis, c’est Gaz Coombes, le chanteur, qui gère le mieux sa reconversion. La preuve avec « Matador », son deuxième album solo sorti fin janvier. Un album surprenant de prime abord mais qui se révèle au fil des écoutes.
Il va d’ailleurs s’y plonger d’emblée avec la plage d’ouverture, « Buffalo », qu’il va entamer au piano en y conférant des touches progressives. Mais c’est au final la rugosité qui va triompher et introduire impeccablement un « Sub Divider » diablement énergique. Ce sera le mot-clé de la soirée.
Il faut dire que le bonhomme au faciès caractéristique et aux favoris généreux sait s’entourer. Son backing band (parmi lequel on retrouve Laurence Colbert, le batteur de Ride) a beau se produire sur la même ligne en net retrait de la scène, il se révèle tout simplement essentiel. On aura l’occasion d’apprécier leur complémentarité lors des titres les plus nerveux, « Hot Fruit » en tête.
Mais ce qui va le plus frapper aujourd’hui, c’est la voix de Gaz. Celle-ci va se révéler magique et impressionnante à la fois. Sur « The Girl Who Fell To Earth », par exemple, elle sera avantageusement mise en valeur alors qu’elle complémentera un déroutant « 20/20 » (un mix improbable entre les Beach Boys et Radiohead). On aura également un coup de cœur pour « Seven Walls » et « One Of These Days », deux titres rêveurs magnifiquement construits, qui renvoient à la période « Road To Rouen » de son ancien groupe.
En parlant de Supergrass, les seules compositions qui nous y feront réellement penser seront « Detroit » et, dans une moindre mesure, « White Noise », un des extraits les plus efficaces de « Here Come The Bombs », son premier album en solitaire. Des sonorités actuelles (comprenez des nappes électroniques) donneront un cachet aux surprenants « The English Ruse » et « To The Wire », les deux derniers titres du set principal dont on se demande quelle direction ils pourraient bien prendre avec des choristes gospel sur scène.
Un délire qui s’éloignera de nous lors des rappels. Ou en tout cas après un « Matador » qui sera complètement éclipsé par une époustouflante version kilométrique de « Break The Silence » sur un beat soutenu, agrémentée d’une jam session à la Rolling Stones en plein milieu. Quinze titres et pas un seul de Supergrass, Gaz Coombes s’assume complètement. Et avec brio.
Photos © 2015 Denoual Coatleven