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Eagulls à l’AB Club : le post-punk n’est pas mort

Cela fait près d’un siècle maintenant que le 11 novembre est synonyme de paix et de commémoration. Pourtant, ce soir, la programmation de l’Ancienne Belgique s’apparentait plutôt à un champ de bataille de décibels. Pendant que Rise Against et Pennywise explosaient les tympans des kids dans la grande salle, Eagulls s’apprêtaient à faire de même au Club, dans un style plus sombre mais tout aussi puissant… D’ailleurs, lorsque le leader de Bad Breeding, le groupe qui les accompagne lors de cette mini tournée européenne, s’est retrouvé au sol en moins d’une minute en train de gesticuler tout en hurlant dans son micro, on a pensé un moment s’être trompé d’étage. Il faut dire que le guitariste torse nu, la basse ronflante et la rythmique infernale pouvaient effectivement porter à confusion.

Prônant un esprit punk rebelle incluant une totale méprise des règles élémentaires de politesse, le chanteur complètement dans son trip va ainsi passer la moitié de son temps dans le public sans lui adresser une seule fois la parole. Entre les morceaux, des bribes de dialogues de films permettaient aux musiciens de réaccorder leurs instruments. Puis, au terme d’un final tout à fait inaudible, le groupe disparaîtra de la même manière qu’il est arrivé, tel un tourbillon.

Les Eagulls (on va éviter les jeux de mots pourris) ont sorti leur premier album au printemps dernier. Un album éponyme à l’image de sa pochette représentant une voiture calcinée sur le parking d’un HLM local à côté d’une cabine téléphonique anglaise. Un album explosif qui finit toutefois par tomber dans une sorte de répétition noisy via des compositions bourrées de frustration et de mal-être. Mais sur scène, celles-ci vont littéralement se métamorphoser et se révéler tout bonnement essentielles.

Devant des projections en noir et blanc saccadées, les cinq lascars de Leeds vont se replonger dans les ambiances ténébreuses, glaciales et flippantes (tout comme leur logo) du tout début des années 80. On pense à un florilège d’influences qui vont de Joy Division à The Cure (George Mitchell, le leader, a dû regarder danser Ian Curtis et écouter chanter Robert Smith à profusion) en passant par Killing Joke. Mais, dans un registre plus actuel, on pense également aux guitares cinglantes de Savages (« Footsteps ») ou au mur du son de A Place To Bury Strangers (« Nerve Endings »).

Ceci dit, on ne peut pas dire qu’ils ont les têtes de l’emploi. Prenez le batteur aux cheveux courts peroxydés, le guitariste à l’extrême gauche de la scène au top rayé rouge et blanc ou le bassiste à moitié débraillé qui joue de profil. Seul le chanteur fait office de digne représentant du look post punk. Le regard froid, il porte un trench coat qu’il gardera sur lui pendant le titre d’intro avant d’arborer un ensemble noir. Ah oui, et un point important, interdiction formelle d’esquisser le moindre sourire.

Au niveau des titres les plus réussis, pointons un « Fester Blister » en full crescendo qui générera des pogos spontanés et un « Hollow Visions » à la basse d’enfer pour un résultat identique. Ou encore un intéressant « Opaque » qui, entre un groupe bien en place et une discrète petite danse sensuelle, montre à quoi pourraient ressembler The Drums s’ils étaient nés dans le crachin du nord de l’Angleterre. Sans oublier le final « Possessed », véritable hit en puissance en guise d’adieu à nos tympans. Pour la petite histoire, ils avaient filmé la décomposition d’une cervelle de porc en guise de trame centrale de la vidéo l’an dernier. Dérangés les Eagulls ? Sans doute un peu, mais musicalement, la pérennité du (post) post-punk est entre de bonnes mains.

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