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DOUR FESTIVAL 2013 (jour 1) : The Horrors, Tomahawk et Yeah Yeah Yeahs sous le soleil


Pour sa vingt-cinquième édition, le Dour Festival a renoué avec la météo radieuse qui était la norme au tout début de son existence. N’avait-on pas coutume de dire que le bon Dieu habitait à Dour à l’époque ? Si l’on y ajoute une affiche aussi dense qu’éclectique, une organisation désormais sans faille et des festivaliers qui n’ont jamais été aussi nombreux, le plus gros événement musical de Wallonie a de nouveau tenu toutes ses promesses.

Les souvenirs boueux de l’année dernière étaient toutefois sur toutes les lèvres lors des retrouvailles au stand presse tout en sachant pertinemment que c’est plutôt la poussière qui allait être notre ennemie quatre jours durant. Ceci dit, à choisir… Un petit coup d’œil sur la disposition du site qui a désormais trouvé son équilibre avec ses sept scènes équitablement réparties et une attention particulière apportée à la fluidité du trafic.

Le seul changement majeur a trait au fait que la bière officielle du festival n’a désormais plus son célèbre saloon qui polluait de beats sonores dégoulinants les rares moments de calme entre les sets de la scène principale. En revanche, les budgets de sponsoring ont été avantageusement injectés dans l’équipement sonore et la garniture du Marquee qui porte désormais le nom de Jupiler X Marquee, théâtre du premier concert du festival à 13h20 (en parallèle avec La Petite Maison dans la Prairie).

Deux groupes à la philosophie identique, mais à la perception somme toute assez différente. Les Tournaisiens de Thee Marvin Gays d’un côté, genre de rock garage qui se veut sans concession mais qui manque de consistance malgré une voix principale féminine de la bassiste dans la lignée d’une Kim Deal alors qu’une seconde voix, moins marquée, arrondit les angles. À moins que ce ne soit la rugosité de Raketkanon qui va faire voler en éclats la sensation de prime abord positive du groupe local.


Il faut dire que le leader, le frappadingue Pieter Paul Devos, officie également au sein de Kapitan Korsakov qui avaient déjà détruit tout sur leur passage sur cette même scène en 2010. Ce type-là n’a rien à envier à Iggy Pop et le fait qu’il se produise torse nu, qu’il se roule sur le sol en hurlant ou qu’il se jette dans la foule ne fait que le rapprocher davantage de l’iguane. Délibérément (mais positivement) violentes, leurs compositions ne laissent aucune place au romantisme alors qu’un vent de révolte souffle sous le chapiteau. Un début de festival à du cent à l’heure.

The 1975 allaient leur succéder au même endroit et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas fait le poids. Non pas qu’ils soient dénués de talent (leur single « Chocolate » a squatté le top 40 anglais pendant de nombreuses semaines) mais leur pop rock mielleuse formatée n’a pas suscité l’intérêt que l’ont attend généralement de natifs de Manchester. Et si en plus l’intonation du chanteur (qui arbore une caquette vissée à l’envers sur la tête) renvoie à Justin Timberlake, vous comprendrez aisément qu’un bain de soleil dans l’herbe verte de la plaine de la machine à feu était plus indiqué.

Retour à des choses beaucoup plus musclées avec White Denim que l’on avait découvert en 2009 au travers de leur album « 
Fits
« 
. Les Texans n’en finissent pas de tourner leur quatrième plaque (« D ») sortie il y a déjà plus de deux ans. Véritable groupe de scène qui puise ses influences dans le rock psyché de la fin des années 60, ils colportent leurs compositions brutes et crasseuses pas très distinguées, mais diablement efficaces. A moins que ce ne soit la complémentarité évidente entre les musiciens qui soit la clé du succès. A ce sujet, accordons une mention particulière au batteur déchaîné Joshua Block alors que le chanteur James Petralli s’applique à la guitare. Même si les détours bluesy se révèlent dispensables, la bombe qu’est leur morceau de bravoure « I Start To Run » va mettre tout le monde d’accord.


Alors que Charles Bradley & His Extraordinaires inondaient le Dance Hall de leur soul envoûtante, les p’tits gars de BRNS rassemblaient la grande foule sous le Jupiler X Marquee. Ils avaient joué bien plus bas sur l’affiche l’an dernier et sont en train de démontrer que leur progression est loin d’être usurpée. Perpétuellement en tournée (la majeure partie du temps à l’étranger) et appliqués à peaufiner un son bien à eux, ils ont de nouveau éclaboussé le festival de leur talent.

Entamé traditionnellement avec l’impeccable « Clairvoyant » qui installe parfaitement l’ambiance, leur set sera à la hauteur des attentes. Les accords entêtants, les envolées de guitares, les percussions, les clochettes, l’attitude des quatre membres et leur implication dans un trip musical sain font en sorte de mener à une prestation exemplaire. Si l’on y ajoute les solides titres que sont devenus notamment « Deathbed » (hyper intense) et « Mexico » (définitivement leur tube qui passe même sur la radio des autoroutes françaises), vous comprendrez aisément que l’on aura assisté à un moment fort. Vivement un premier album !


Déjà présents en 2007 et en 2009, The Horrors ont fait leur retour à Dour alors que leur nouvelle plaque (la quatrième) devrait sortir à la rentrée (même si le maigrichon leader Faris Badwan avait plutôt l’air de parler de 2014). Quoi qu’il en soit, ils n’ont finalement dévoilé que deux nouveaux titres qui, à première écoute, suivent l’évolution d’un groupe qui s’affirme solidement depuis le rock sombre et peu accessible des débuts. De moins en moins corbeaux, ils ont gagné en popularité tout en conservant une crédibilité légitime.

Malgré un son (délibérément?) brouillon au départ, ils vont mettre en place une atmosphère percutante et délicieusement flippante avec des titres aussi puissants que « Who Can Say » et « Endless Blue » alors que l’allongé et électro minimaliste « Sea Within A Sea » sera sans doute le point d’orgue de leur prestation. Quant à l’intense « Still Life », il nous rappellera combien « Skying » (leur troisième album) s’est bonifié avec le temps. Le tout se clôturera avec un final à la Horrors, bourré de larsens. Une prestation sans faille qui aurait peut-être encore gagné en frissons à la tombée de la nuit.


On ne vous apprendra rien en affirmant que Mike Patton et le Dour Festival se vouent un respect mutuel hors norme. Le bonhomme y a en effet joué avec tous ses projets, que ce soit Fantômas, Peeping Tom ou Faith No More. Et, bien souvent, c’est lui qui propose ses services aux organisateurs. Vu qu’un nouvel album (« Oddfellows ») est paru en début d’année, il était donc quasiment couru d’avance que Tomahawk allait se retrouver à l’affiche. Genre de supergroupe dont font également partie le guitariste Duane Denison (ex-The Jesus Lizard) et le batteur surdoué John Stanier (Helmet, Battles), les rockeurs américains (complétés par le bassiste Trevor Dunn) ont fait vibrer la Last Arena (la grande scène en plein air) ce jeudi soir.

Expressif et démoniaque comme à sa bonne habitude, l’ami Patton va une nouvelle fois régaler ses fans. Il faut dire qu’il a à ses côtés les musiciens idéaux pour laisser libre court à ses délires sonores. Techniques, certes, mais surtout bien ficelées et intelligemment violentes, les compositions du groupe se bonifient sur scène, même si l’approche impose un minimum de précautions préalables afin de ne pas se retrouver noyé sous les décibels. C’est à ce moment que l’équipe du JT de la RTBF est venue interviewer notre photographe Olivier Bourgi pour un sujet consacré aux capteurs d’images de festivals.

Entre les séquences de tournage, on a assisté par à-coups au set de Trentemøller sous la Jupiler X Marquee, décidément the place to be en cette première journée de festival. Étonnamment humaine, la performance du Danois réussit à faire passer au second plan ses influences électroniques grâce à des instruments joués en live et une chanteuse dont la voix fait penser à Siouxsie Sioux. Sombre juste ce qu’il faut, quelque part entre Royksopp et Ladytron, un surprenant détour qui n’était pas sur notre feuille de route initiale.


La tête d’affiche rock de ce jeudi avait été confiée aux Yeah Yeah Yeahs sur la Last Arena. Les New Yorkais emmenés par la déjantée Karen O ont sorti voici quelques mois leur quatrième album, « Mosquito », à la pochette hideuse mais au consistant contenu. La chanteuse (désormais blonde) a d’ailleurs déboulé sur scène affublée d’une paire de lunettes en plastique rose rappelant de loin la tête d’un moustique géant (elles tomberont par terre assez rapidement). Mais son bermuda blanc et rose à paillettes, ses bas roses, ses chaussures rouges et son t-shirt à l’effigie de Michael Jackson n’étaient pas mal dans le genre non plus. Sans parler de son micro fluo qu’elle ira jusqu’à gober dans un moment d’abandon ou de la lampe de mineur qu’elle arborera pendant « Under The Earth ».

Si son style vestimentaire douteux laisse à désirer, il faut lui laisser ses facultés d’entertainer née. Intenable sur scène, elle compense la justesse relative de sa voix criarde avec une énergie et un cœur grands comme ça. Après quelques nouveaux titres, le set sera véritablement lancé avec leur hit single qu’est « Heads Will Roll ». Par la suite, le trio accompagné d’un musicien de tournée va se laisser aller et proposer un set best of qui va piocher dans les trois premiers opus du groupe (« Zero », « Gold Lion » un peu moins brut introduit par quelques mesure du « We Will Rock You » de Queen, « Maps » mais surtout un excellent « Runaway » à l’intro magique au piano). Spectacle encore avec l’énorme ballon en forme d’œil qui va se retrouver balancé dans le public avant que tout n’explose grâce à un furieux « Date With The Night » qui va clôturer leur prestation et par la même occasion mettre un terme à notre première journée de festival qui aura tenu toutes ses promesses…

Photos © 2013 Olivier Bourgi

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