Folkearth et Folkodia : quand Saga met les ‘poings’ sur les ‘i’ !
Nous avons eu l’occasion, à de maintes reprises, de vous présenter les opus de deux formations Folk Métal internationales appelées Folkearth et Folkodia. Notre récente chronique du dernier album de Folkearth, « Valhalla Ascendant », nous a donné l’occasion d’entrer en contact avec Michaël Fiori, alias Saga, l’un des acteurs principaux de ces collectifs folk métalliques. Le guitariste, chanteur, bassiste et compositeur remet gentiment les pendules à l’heure et nous explique le fonctionnement de ces deux formations uniques en leur genre. Music in Belgium : Bonjour Michaël. Avant de passer à Folkearth, pourrais-tu nous parler de toi ? D’où viens-tu ? Quel est ton parcours ? Et surtout : quelle est la signification du ‘(Saga)’ que tu colles à ton nom ?
Michaël Fiori (Saga) : Bonjour. Je suis né à Monaco et de nationalité monégasque, ce qui est plutôt rare pour le métal folk, j’en conviens (rires). J’ai 33 ans et j’ai débuté la guitare électrique à l’âge de 16 ans, en autodidacte, sous l’impulsion de la musique d’Yngwie Malmsteen et de Megadeth, entre autres. Mon parcours musical et mes anciens groupes m’ont conduit à passer d’un style Heavy Mélodique et Progressif à des choses bien plus extrêmes, et notamment le Black Métal et le Death technique. C’est en 2008 que j’ai fondé Black Knight Symfonia (groupe de Métal Symphonique à tendance extrême et lyrique, avec deux chanteuses (Arya et Nymphadora) qui chantent également dans Folkearth et Folkodia.
J’ai intégré Folkearth fin 2008, après avoir passé une audition. Le groupe cherchait alors un nouveau compositeur polyvalent, aussi à l’aise en matière rythmique qu’en solo (un domaine quasi absent de la musique du Folkearth auparavant). On m’a ensuite proposé, en 2009, d’intégrer Folkodia au sein duquel je m’occupe également d’une partie des compositions et de l’écriture de certains textes. Mais je m’occupe plus principalement des guitares, de la basse et de toutes les parties de chant extrême, chœurs et chant clair.
‘Saga’ n’est autre que mon pseudonyme dans la musique. L’origine de ce nom est double. D’une part Saga se réfère à mon goût prononcé pour les musiques et les films épiques et, en second lieu, c’est un clin d’œil au manga ‘Les Chevaliers Du Zodiaque’. Il s’agit du nom du chevalier d’or des gémeaux et il se trouve que je suis gémeau !
MiB : Pourrais-tu nous expliquer ce qu’est Folkearth ? Quel est le concept du projet ? Qui en était l’initiateur en 2004 ? Qui en est aujourd’hui le ‘chef d’orchestre’ ? (C’est-à-dire, celui qui choisit les musiciens impliqués et qui décide de choses comme : ‘Tiens, nous allons enregistrer un nouvel album aujourd’hui…’).
Michaël Fiori (Saga) : Folkearth est un groupe de Viking Folk Metal qui a été monté par Metfolvik en 2004. Son intention était de réunir des passionnés de musique Folklorique venus du monde entier. Metfolvik joue toujours un grand rôle dans le cadre du ‘management’ du groupe. Principalement, il fixe le cap, jongle avec les différentes phases d’avancement des enregistrements et fait le suivi mixage/mastering, et ce, jusqu’à la sortie des albums.
De mon côté, j’ai également un grand rôle dans le mixage des morceaux ‘preview’. Je m’occupe également de faire le lien entre musiciens pour coordonner les sessions d’enregistrement.
Le line-up actuel est stable depuis quelques années, mais le recrutement d’éventuels nouveaux membres se fait sur audition. Metfolvik et moi-même sommes les décideurs en matière de recrutement.
La sortie des albums est, quant à elle, décidée avec les responsables du label Stygian Crypt Productions qui nous font entière confiance depuis nos débuts !
MiB : Tu ne joues pas sur les premiers albums de Folkearth. Par contre, ton rôle semble prendre de plus en plus d’importance au fil des albums. Pour l’album « Rulers Of The Sea » de 2009, par exemple, tu te chargeais de certaines parties de basse et de guitare sur six des onze titres de l’album. Sur les deux opus les plus récents (« Sons Of The North » et « Valhalla Ascendant ») ton nom est associé à presque tous les titres et ton rôle s’est diversifié puisqu’en plus jouer de la guitare et de la basse, tu chantes, tu growles et tu composes. Es-tu devenu l’un des piliers du groupe ?
Michaël Fiori (Saga) : Effectivement, j’ai intégré le groupe pour la composition de l’album « Rulers Of The Sea » et on peut dire que mon implication n’a cessé de croître depuis. Donc, oui on peut dire que ma polyvalence et mon investissement personnel m’ont permis de ‘gagner’ mes galons et de jouer un rôle important dans l’orientation musicale et dans l’alchimie entre musiciens.
MiB : Comment se déroule le processus d’enregistrement d’un album de Folkearth ? Vous est-il arrivé de vous retrouver tous ensemble dans un studio d’enregistrement, ou travaillez-vous chacun de votre côté, en échangeant des fichiers électroniques via la toile ?
Michaël Fiori (Saga) : L’enregistrement d’un album commence par la composition de l’ossature des morceaux : guitares et basse avec un ‘click’ pour faciliter l’enregistrement de la batterie par la suite. Puis vient le chant, et en dernier lieu les arrangements Folkloriques. Nous échangeons les fichiers électroniques par Internet et chacun est libre de choisir son propre studio d’enregistrement avec, au préalable, l’intervention de l’ingénieur son en charge du mixage et du mastering final de l’album pour faire les meilleurs choix en terme de qualité d’enregistrement. Ceci explique, en grande partie, pourquoi la qualité sonore de nos derniers albums s’est considérablement améliorée et que nous pouvons aujourd’hui, je pense, rivaliser avec les ténors du genre.
MiB : As-tu déjà rencontré les autres membres du projet ? As-tu écouté leurs groupes ?
Michaël Fiori (Saga) : Je n’ai pas rencontré d’autres musiciens du groupe. J’insiste sur le fait que Folkearth et Folkodia sont des groupes (mais qui ne tournent pas) et non pas des ‘projets’, dans le sens où chaque musicien s’implique au même titre que dans un groupe et n’est pas là en tant qu’invité ou sur la demande du label comme le laisse entendre le terme ‘projet’.
Oui j’ai écouté leurs autres groupes, soit pour me faire une idée de leur background musical au cours des auditions ou par curiosité musicale.
MiB : Ton groupe, qui s’appelle Black Knight Symfonia, a publié un album en 2009. Depuis, tu es apparu sur cinq albums de Folkearth et trois de Folkodia. Folkearth et Folkodia ont-ils pris plus d’importance que ton groupe principal ?
Michaël Fiori (Saga) : Depuis, j’ai enregistré un second album « Ancestral Torments » avec Black Knight Symfonia et nous allons débuter la phase de démarchage. Folkearth et Folkodia sont tout aussi importants que Black Knight Symfonia. La seule différence à mes yeux est que Black Knight Symfonia officie dans son propre style. Ce groupe me demande bien plus de temps, du fait que je m’occupe de toute la composition, y compris des orchestrations qui ont une part très importante dans notre musique.
MiB : Puisque nous parlons de Folkodia, pourrais-tu nous expliquer en quoi ce projet diffère de Folkearth ? La plupart des musiciens sont communs aux deux groupes et le style musical est relativement similaire. Pourquoi avez-vous choisi de différencier les deux projets ?
Michaël Fiori (Saga) : Folkodia incorpore en effet certains membres du groupe Folkearth. La différence entre les deux groupes tient principalement au fait que Folkodia propose une musique plus épique, qui intègre davantage de parties ‘Heavy’. Aussi, Folkodia ne traite pas de mythologie nordique, mais s’ouvre à tous types de mythologie et à l’histoire romaine. L’approche musicale, lors de la composition, est donc un peu différente. Avec Folkodia, je me sens plus libre de mélanger les ambiances extrêmes et l’épique, tandis qu’avec Folkearth je me tiens plus à du Folk Métal traditionnel.
MiB : Depuis 2009, nous avons pu chroniquer cinq albums de Folkearth et quatre de Folkodia. Ce qui fait, en moyenne, trois albums par an. Ne crains-tu pas que cette ‘surabondance’ de sorties joue un peu en votre défaveur ?
Michaël Fiori (Saga) : Le rythme réel de sortie est d’un album par an. Nous avons eu, en effet, une période avec des sorties plus rapprochées car nous avons eu un décalage de sortie d’album (problème de pressage à l’usine) ainsi qu’un album acoustique pour chacun des groupes qui a été composé par des compositeurs différents de ceux qui officient pour les albums métal. Cela peut sembler être un rythme de sorties rapide, mais ça ne l’est pas tant que cela quand on prend en considération toute la spécificité du groupe, à savoir que nous avons 2 à 3 compositeurs par album, ce qui multiplie grandement les possibilités de composer des morceaux. Par ailleurs, nous ne passons pas de temps sur les routes comme un groupe live. À bien y réfléchir, un groupe qui fait du live ne passe pas plus de temps que nous à la composition et certainement moins de temps que nous en studio !
Nous souffrons donc d’une ‘fausse image’ auprès des médias métal qui partent parfois avec un à priori sur le rythme de sorties, alors que la qualité n’est pas moindre. Nous passons du temps à soigner les albums, de la conception graphique à la composition et à l’unité de l’ensemble. Combien de groupes traditionnels seraient réellement capables de mêler, comme nous le faisons, autant de diversité musicale ?
Je crois que lorsque l’on aborde un album de Folkearth ou de Folkodia, il faut garder dans un coin de la tête que nous fonctionnons très différemment des groupes ‘standards’ et que nous arrivons néanmoins à sortir des albums de qualité ! Surtout depuis la stabilité du line-up vers 2010, j’en conviens.
MiB : En relisant les chroniques que j’ai consacrées à vos albums, je constate que je vous ai souvent reproché une utilisation peu appropriée, voire dissonante de certains instruments folkloriques. Je t’ai aussi reproché tes vocaux death, trop graves sur le dernier album (désolé au passage de les avoir qualifiés de ‘gastriques’ mais j’avoue préférer la manière dont tu ‘growles’ sur l’album « Battles and Myths » de Folkodia. Comme ma critique à propos de tes vocaux correspond à mes goûts personnels, il n’y a pas vraiment grand-chose à en dire, par contre, j’aimerais te donner l’occasion de me contredire en ce qui concerne l’utilisation des instruments folkloriques. N’ai-je pas compris où vous vouliez en venir ? Suis-je le seul à avoir du mal à supporter les interventions de la flûte sur un titre comme « Valhalla Ascendant » ?
Michaël Fiori (Saga) : Le growl est parfois utilisé différemment sur certains morceaux de l’album « Valhalla Ascendant », en effet. Disposant d’une étendue assez large en matière de types de chant extrême (comme en matière de chant clair) j’essaie d’opter pour le chant que j’estime être le plus adapté à l’ambiance et tonalité des morceaux. « Valhalla Ascendant » contient des morceaux plus lourds (surtout les morceaux de Jaco, notre compositeur polonais) que sur « Battles and Myths » par exemple. J’ai trouvé que l’album nécessitait davantage l’utilisation de chant Death guttural que du chant viking. J’ajouterai enfin que Folkearth et Folkodia disposent justement d’une palette très étendue en matière de type de chant et l’emploi de chœurs épiques renforce le côté accrocheur des compositions.
J’avoue ne pas partager ton avis quant à la dissonance supposée de la flûte sur le morceau « Valhalla Ascendant » et tu es la première personne à avoir relevé ce détail !
MiB : Comment un projet comme le vôtre, dont la grande majorité des musiciens est originaire d’Europe de l’Ouest (ou d’Amérique), a-t-il pu obtenir un contrat sur un label Russe ? Stygian Crypt Productions a-t-il un droit de regard sur votre musique ou sur le choix des musiciens qui participent au projet ?
Michaël Fiori (Saga) : La Russie est sans doute le marché le plus friand en matière de Métal Folklorique, ce qui explique que Stygian Crypt Productions soit le premier à nous avoir accordé sa confiance. Stygian Crypt n’interfère pas dans notre orientation musicale. Comme je le précisais, nous sommes un groupe à part entière et non un projet émanant d’un label qui dicterait ses conditions ‘commerciales’. Le propre du groupe est au contraire de privilégier cette synergie internationale.
MiB : Quels sont vos projets ? Allez-vous continuer vos sorties à la même cadence ? De nouveaux albums de Folkearth et Folkodia sont-ils déjà ‘en chantier’ ?
Michaël Fiori (Saga) : Nous prévoyons de sortir un album par an avec chacun des groupes, ce qui me semble tout à fait raisonnable. Les albums de Folkodia et Folkearth pour 2013 sont finalisés. L’album « Fall of the Magog » de Folkodia devrait paraître aux alentours du mois d’avril. En ce qui concerne le prochain album de Folkearth, nous allons débuter la phase de mixage et de mastering pour une sortie probable vers la fin d’année.
MiB : Des groupes de la scène Folk Métal comme Finntroll, Korpliklaani ou Trollfest prennent une dimension quasi magique sur scène. Est-ce que cela ne vous donne pas envie de faire de même ? Des concerts de Folkearth ou de Folkodia sont-ils envisageables à l’avenir ?
Michaël Fiori (Saga) : Je doute que des concerts soient envisageables étant donné la disparité géographique des membres, les frais considérables et les difficultés pour que tout le monde soit disponible pour monter une tournée. Je dirais que la magie opère déjà dans la spécificité même de nos groupes, à savoir que l’on arrive à faire passer un véritable ‘tour de force’ pour une entreprise facile. Nous produisons des albums cohérents, avec une qualité sonore qui n’a pas à rougir des groupes qui bénéficient de conditions d’enregistrement bien plus simples alors que nous enregistrons aux quatre coins de la planète.
MiB : Que pourrais-tu dire à nos lecteurs pour leur donner envie de s’intéresser à la discographie de Folkearth et Folkodia ?
Michaël Fiori (Saga) : Si vous êtes amateur de musique épique, de mélodies folkloriques jouées par de vrais instruments (et non des claviers) et plus généralement de métal accrocheur, alors Folkearth et Folkodia pourraient certainement vous plaire.
Enfin j’ajouterai que ces deux groupes constituent une entreprise unique en la matière et proposent une richesse musicale et une authenticité dont peu de groupes Métal Folk peuvent encore se targuer en cette période où le commercial dicte trop souvent sa loi.
MiB : Le mot de la fin ?
Michaël Fiori (Saga) : Merci pour cette interview qui aura permis, je l’espère, de clarifier nos méthodes d’enregistrement et les spécificités de Folkearth et Folkodia. Je pense qu’il était nécessaire de faire taire les préjugés dont souffre parfois le groupe. Non, nous ne sommes pas un projet téléguidé par un label. Non, nous ne sortons pas des albums à la va-vite pour inonder le marché du disque, mais nous procédons au rythme qui nous est propre. Non, nous ne faisons pas cela par appât du gain, aucun des membres du groupe ne touche d’argent sur les ventes des albums qui servent uniquement à autofinancer les frais de production des opus suivants. Oui, nous nous impliquons à fond par pur amour de la musique et pour nos nombreux auditeurs. Et non, Folkearth et Folkodia ne comptent pas changer leur manière de procéder au grand dam de ceux qui sont jaloux de la réussite d’une telle entreprise !
Merci à toutes les personnes qui nous manifestent leur soutien !
Michaël (Saga)