LOKERSE FEESTEN 2012 : NEW ORDER en grands seigneurs
Quarante-huit heures après Suede, c’était au tour de deux autres groupes british majeurs de fouler la scène des Lokerse Feesten ce vendredi 10 août. Les Charlatans en guise de mise en bouche et les légendaires New Order pour l’apothéose de la soirée.
C’est toutefois assez surprenant de retrouver les Charlatans à ce moment de la soirée. En effet, il était à peine 20 heures lorsque les premières notes du très psyché « Forever » ont retenti devant une assemblée assez maigrichonne. Il faut dire que les derniers rayons d’un généreux soleil avaient plutôt tendance à retenir les gens sur les terrasses de la localité.
En tout cas, à la vue de la nouvelle coiffure de Tim Burgess, les spectateurs ont hésité entre surprise et moquerie. Sa longue chevelure blonde aux racines bien noires n’a pas vraiment tendance à mettre son look en valeur. Ceci dit, la mode n’étant pas notre cheval de bataille, notre attention s’est bien entendu focalisée sur la musique.
À l’instar de Suede, c’est à une prestation so 90’s qu’il nous a été donné d’assister, si ce n’est que dans le cas des Charlatans, les influences sont davantage puisées dans la fin des sixties des Rolling Stones que dans le début des 70’s de David Bowie (l’orgue Hammond qui a jalonné « North Country Boy » n’y étant pas étranger). Pourtant, ils sortent des albums sur base régulière mais, par exemple, aucun extrait de « Who We Touch » (le dernier en date en 2010) n’a été joué ce soir alors que le pourtant excellent « You Cross My Path » (2008) n’a généré qu’un timide « Oh! Vanity ».
Clairement, Tim Burgess était dans un trip nostalgie et il va s’en donner à cœur joie en interprétant des standards tels que « One To Another », « Tellin’ Stories » ou « How High ». Leader sans instrument, il dégage toutefois nettement moins de charisme que l’ami Brett Anderson, même s’il attrape de temps à autre un tambourin qui ne fait que lui occuper les mains (ou un harmonica sur « Impossible »). D’un point de vue musical, la vraie star est le claviériste Tony Rogers, qui fait swinger son instrument d’une insolente manière. Grâce à lui, on arrive dans une mouvance par moments proche des Stone Roses (« Weirdo ») ou de Primal Scream circa 1991 (« Just When You’re Thinkin’ Things Over »).
Sans grande surprise, c’est « The Only One I Know » qui a soulevé le plus d’enthousiasme parmi les spectateurs. Car, sur scène, on ne pouvait pas en dire autant. Un peu comme si les musiciens étaient fatigués de se produire en live. Et la bombe qu’est en principe « Sproston Green » en final n’y changera rien. Ils quitteront la scène après pile poil une heure de concert et ne daigneront même pas revenir pour un petit « This Is The End ». En résumé, la prestation en roue libre qu’ils ont offerte manquait singulièrement de conviction…
Ce sont ensuite les Norvégiens de Röyksopp qui prenaient le relais dans le but de faire monter la température et il faut bien admettre que leur électro-pop diablement efficace va y parvenir sans trop forcer. Le public massé devant la scène va clairement réagir au quart de tour et donner des airs de discothèque géante à l’endroit.
S’il n’y a rien à redire d’un point de vue musical, il en est autrement par rapport au visuel qui pourrait apporter une dimension supplémentaire. Mais, autant la banderole au fond de la scène (représentant un radiocassette sorti tout droit des années 80) que les jeux de lumière (beaucoup trop sombres) ne seront pas à la hauteur. Sauvons malgré tout les différents masques arborés par les membres du groupe, tous plus excentriques les uns que les autres. Au rayon musical, retenons l’intro (« So Easy ») et l’efficace « What Else Is There », ainsi que « Poor Leno ». Car, bizarrement, ils ont laissé de côté le hit mondial avec lequel ils ont obtenu la reconnaissance internationale, « Eple ».
Au départ, la reformation de New Order (sans le bassiste Peter Hook, toujours en froid avec Bernard Sumner), devait se limiter à deux concerts exclusifs en octobre dernier, à l’Ancienne Belgique et au Bataclan de Paris. Ceci dit, bien vite, de nouvelles dates ont commencé à être confirmées autour du globe et cela fait maintenant quasi un an que le groupe est sur la route. Un groupe qui salue le retour de la claviériste Gillian Gilbert alors que c’est désormais Tom Chapman (un comparse de Sumner au sein de Bad Lieutenant) qui s’occupe de la basse (et de bien belle manière).
Tout comme Metallica, ils ont choisi comme musique d’intro celle du Bon, de la Brute et du Truand (couplée à leur propre « Elegia »), histoire de bien se préparer à provoquer en duel un public en attente d’une performance donnée par des légendes vivantes. N’oublions pas que deux musiciens sur scène ont fait partie de Joy Division aux côtés de l’icône qu’est devenu Ian Curtis. On aura d’ailleurs l’occasion d’entendre deux titres issus de leur période en noir et blanc immortalisée par Anton Corbijn, dont « Isolation » (que Therapy? s’est approprié entre-temps).
La machine s’est mise en route au son de « Crystal », avec en toile de fond le clip vidéo du morceau (qui date de 2001), dans lequel on voit des adolescents jouer le rôle des musiciens au sein d’un groupe imaginaire nommé The Killers (vous avez compris où un certain Brandon Flowers a été puiser son inspiration au moment de baptiser le sien).
Pendant nonante minutes, ils vont se balader dans une discographie aussi riche qu’influente composée de titres tous plus cultes les uns que les autres : de « Age Of Consent » à « Bizarre Love Triangle » en passant par « Perfect Kiss » et un complètement revisité « True Faith », avec des animations sur écran géant qui valaient le détour. Si ce n’est la période Haçienda de « Technique », aucun moment de leur carrière n’a été négligé, pas même le dernier (faible) album en date (« Waiting For The Sirens’ Call » en 2005) avec « Krafty ».
Et encore, la célèbre boîte de Manchester n’a pas été totalement ignorée, vu qu’ils ont joué « Here To Stay », le titre produit par les Chemical Brothers en 2002, un extrait de la B.O. du film Twenty-Four Hour Party People de Michael Winterbottom qui racontait l’histoire du regretté Tony Wilson, l’homme derrière le label Factory dont le support a été prédominant dans l’histoire de New Order. Un groupe qui détient encore à ce jour le record du maxi 45 tours le plus vendu de l’histoire de la musique britannique. Il s’agit bien évidemment de « Blue Monday », qui a mis tout le monde d’accord.
Le rappel aura pour seul objet le deuxième morceau de Joy Division joué ce soir, le classique « Love Will Tear Us Apart », mais la version proposée, trop plate, faisait presque penser à celle que Paul Young avait massacrée sur son album « No Parlez » en 1983… Un petit bémol qui n’enlève rien à une prestation plus ou moins similaire à celle de l’AB en octobre dernier, mais avec une alchimie bien plus présente qu’à l’époque. Et si c’était reparti pour un tour…