WU LYF au Bota, vous avez dit bizarre ?
Le Botanique a une fois encore fait fort en attirant dans son complexe Wu Lyf, un groupe qui a fait les choux gras de la presse musicale indépendante anglaise bien avant la sortie de son premier album l’été dernier. Initialement prévu à la Rotonde, c’est finalement dans une Orangerie sold out que le quatuor britannique s’est produit ce mercredi 7 mars.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ils avaient invité en première partie un collectif Français connu sous le nom d’Apes & Horses. S’ils sont pour l’instant toujours inconnus au bataillon par ici, les choses devraient selon toute logique changer rapidement malgré un style musical pas toujours simple à cerner du premier coup d’oreille. On se retrouve en effet plongé dans un rock à tendance progressive aux envolées nerveuses parfaitement maîtrisées.
Les compositions méticuleusement travaillées sont par ailleurs avantageusement mises en valeur par une voix principale qui laisse une grande place aux émotions. Une voix presque hors du temps qui ne correspond pas trop au physique du chanteur. Un peu comme Hamilton Leithauser de The Walkmen, surtout qu’une vibe 60’s s’invite de manière récurrente en toile de fond. Au final, on se situe plutôt entre du Foals langoureux et du XX puissance dix. Une association surprenante, certes, mais bien plus équilibrée qu’il n’y paraît.
On aurait normalement dû découvrir Wu Lyf sur scène le 19 août dernier au Pukkelpop. Mais puisque les éléments l’ont décidé autrement, c’est dans leur premier album (« Go Tell Fire To The Mountain ») que l’on s’est plongé avec, au fil des écoutes, autant de points d’interrogation que d’exclamation (on se demande même par moments où ils veulent en venir). Il s’agit assurément d’un groupe qui s’est créé son univers bien à lui et qui s’y tient, peu importe l’environnement extérieur. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement à partir du moment où ces cinq lettres représentent les initiales de World Unite Lucifer Youth Foundation. Tout un programme…
Il ne faudra toutefois pas plus de deux titres pour se rendre compte qu’ils se prennent un peu trop au sérieux. Il y a d’abord ce crucifix customisé en guise de logo illuminé au milieu de la scène qui, couplé à l’orgue en intro de « Lyf », va directement renvoyer à une sorte de cérémonie à laquelle des adeptes soumis sont en passe d’assister. Ensuite, le leader Ellery Roberts, sorte de grand gringalet à la coiffure hirsute d’un jeune Morrissey, vêtu d’une veste en jeans passablement usagée arborant le même logo dans le dos, va se montrer insupportable. Trop sûr de lui, hautain, il ne parviendra jamais à obtenir la sympathie d’un public, il est vrai, fort sage. Et ce, malgré les quelques « hits » qui ont façonné la hype, « Cave Song » et « Spitting Blood » en tête.
De plus, il va se produire perpendiculairement à la scène, avec pour conséquence de tourner le dos à la partie droite du public (comme si la structure complexe de leurs morceaux imposant une concentration maximale n’était pas suffisante…). Tant qu’on en est à parler des choses dérangeantes, pointons également sa voix de Tom Waits énervé qui, à la longue, finit par taper sur le système. Surtout que cette dernière, en fin de concert, ressemblera presque à celle d’un extra-terrestre.
Mis à part ces quelques désagréments, il faut reconnaître que l’originalité de leur son ne les fait ressembler à aucun autre groupe, et certainement pas à leurs glorieux ainés issus de Manchester. Un état de fait très peu courant par les temps qui courent et qu’il faut leur laisser, même si cela part parfois dans tous les sens. On a ainsi l’impression d’avoir affaire à du Vampire Weekend expérimental (« We Bros ») qui font se succéder des moments intenses et d’autres dispensables au sein de la même composition (« Summas Bliss », « Concrete Gold »). Vous avez dit perturbant ?
Curieusement, le morceau le plus réussi de la soirée va impliquer un membre d’Apes & Horses, Yaco Mouchard, invité sur scène le temps d’une cover particulièrement bien ficelée d’un titre de Papa M (« Up North Kids ») sur laquelle sa basse fera des étincelles au milieu d’un environnement presque post rock. La preuve qu’une concession, ne fut-ce que minime, pourrait leur faire beaucoup de bien.
En attendant, on aura assisté à une prestation pas trop convaincante car un rien trop intellectuelle. En d’autres mots, celui qui n’est pas parvenu à rentrer dans l’album n’a vraisemblablement pas réussi à inverser la tendance à l’écoute du live. Mais au moins, on aura appris que le nom du groupe se prononce définitivement « Wou life ». On n’aura pas tout à fait perdu notre soirée…