Agnostic Front fête ses trente ans au ‘On Air Studio’ de Mons !
Tout comme l’aventureux témoin de Jéhovah qui, peu effrayé par la vulgarité de mon verbe matinal, s’obstine à vouloir me faire profiter du lever de soleil dominical, Bernie, notre talentueux photographe, s’est donné pour mission de me convertir à la religion qu’il a embrassée dès l’âge de la puberté : le culte du Hardcore made in New York. Le samedi 3 mars 2012, Agnostic Front, l’un des papes du mouvement, déposait ses ‘flycases’ en terre sainte hennuyère, histoire d’y fêter dignement trente années de dévotion à la cause du NYHC en compagnie de six autres formations du genre et, surtout, de ses nombreuses ouailles Montoises. L’occasion rêvée pour mon immonde ami de tenter de mettre à exécution son funeste projet. Située à deux pas à peine de la Grand Place de Mons, le ‘On Air Studio’ est une salle plutôt sympathique dans laquelle peuvent s’entasser, à l’aise, trois bonnes centaines de furieux. Les aléas de la vie de famille nous obligent à faire l’impasse sur les prestations de Strike Back, Stand For Truth, Balboa et Ays et les huit coups de vingt heures ont retenti depuis bien longtemps lorsque nous nous mêlons enfin à la foule des tatoués, ‘piercés’, musclés et autres têtes rasées aux sourires accueillants qui, pour l’instant semblent préférer squatter les environs du bar plutôt que d’aller s’installer, bien au chaud, devant la scène.
Énergique mais répétitive et sans grande saveur, ce n’est pas la prestation des Virginiens de Naysayer qui poussera votre serviteur à troquer sa superbe calvitie naturelle contre la bille de billard fraîchement rasée qui semble être de rigueur chez ses voisins de bar. Le public du On Air Studio, pourtant uniquement constitué de connaisseurs, ne semble d’ailleurs pas frétiller d’enthousiasme lorsque le vocaliste, descendu dans la salle armé de son micro, tente de faire avancer le public montois de quelques pas afin de se sentir moins seul à l’avant. Bernie lui-même se contente de shooter sans conviction, blâmant la qualité de l’éclairage pour justifier son manque d’enthousiasme à titiller le déclencheur.
Il n’en va pas de même pour Death By Stereo. Si la plus grande partie du public reste encore en retrait à quelques mètres de la scène, l’enthousiasme, lui, est bien là. Il faut dire qu’il est vraiment difficile de résister à l’énergie et à la bonne humeur d’Efrem Schulz, le vocaliste survolté du combo californien. Schulz saute, plonge, danse et se déhanche sans perdre le souffle ni le sourire, ce qui tient carrément de l’exploit.
Ses collègues ne sont pas en reste. Le bassiste effectue de fréquents aller/retour dans le public, tout comme le guitariste d’ailleurs qui, sans s’arrêter de jouer, pousse même le vice jusqu’à emprunter les escaliers pour aller s’installer quelques minutes dans les loges du balcon. D’un point de vue musical, Death By Stereo est beaucoup plus intéressant (pour votre serviteur) que son prédécesseur. Ancrées dans le hardcore, mais aussi dans le punk avec leurs hymnes à reprendre en chœur, les compositions de DBS empruntent aussi (un peu) au métal grâce, notamment, à quelques superbes soli de guitares. Le public ne s’y trompe pas et l’apathie ambiante s’estompe peu à peu. Les jambes, les têtes et les poings s’envolent dans une sarabande infernale (NDR : qui a parfois un peu de mal à rester pacifique, il faut bien l’avouer !).
Si Death By Stereo convainc le public montois à la force du poignet, Agnostic Front, lui, n’a aucun effort à fournir pour s’octroyer les faveurs de la salle. Il suffit d’un accord de guitare pour que tout le On Air Studio se retrouve en bloc devant la scène. Bernie qui, jusque-là, n’avait aucun mal à balader son énorme Nikon dans le public clairsemé, se retrouve pris dans un maelstrom de membres inférieurs et supérieurs qui mettent plusieurs fois son précieux appareil en danger. Sur scène aussi la tempête fait rage. Nous assistons à un déluge de décibels et de bonne humeur communicative.
Vinnie Stigma (guitare) et Roger Miret (chant), les deux attractions principales du groupe se fendent d’une prestation étonnement physique pour des musiciens dont l’âge doit avoisiner la cinquantaine. Les vétérans marient avec brio violence, humour et un certain respect de l’assistance. À plusieurs reprises au cours de la soirée, ces parrains de la scène hardcore remercient Chris, le frontman des héros locaux de Do Or Die, qui a mis en place les détails de leur prestation. Ils accueillent d’ailleurs ce dernier sur scène ainsi que Stéphane (le second hurleur de Do Or Die) pour le temps d’un titre accueilli, comme il se doit, par un ‘On Air Studio’ en délire.
Vous l’aurez sans doute compris, le hardcore n’est pas franchement mon domaine d’expertise. Et, en pendant le concert, je me surprends à le regretter profondément. J’envie mes voisins de gauche et de droite qui, comme la salle entière d’ailleurs, connaissent chaque titre par cœur et chantent chaque refrain à tue-tête. C’est presque avec joie que j’accueille le ‘Hey Ho, Let’s Go’ qui introduit la jouissive reprise du « Blitzkrieg Pop » des Ramones et qui me permet, enfin, de communier avec le reste de la salle.
Au final, si ma conversion à la cause hardcore n’est pas encore pour demain, je suis plus qu’heureux d’avoir pu assister à cet anniversaire hors commun. Trente ans que ces mecs font le même boulot tout en restant motivés et compétitifs. Voilà qui force le respect.
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Photos © 2012 Bernard Hulet