Un moment d’insouciance signé BELLE & SEBASTIAN
Ce n’est désormais plus un secret, la 15e édition du Domino Festival sera aussi la dernière. Les organisateurs ont en effet estimé qu’ils avaient fait le tour de la question et préfèrent dès lors stopper avant que l’intérêt du public ne s’estompe. Manifestation élitiste truffée de découvertes et d’avant-premières, elle propose également des prestations d’artistes cultes, à l’instar de Belle & Sebastian qui se produisait ce dimanche 10 avril dans la grande salle de l’Ancienne Belgique… Le support du jour avait été confié à Zoey Van Goey, un groupe à l’approche sensiblement similaire. Il est vrai que Stuart Murdoch, le leader de Belle & Sebastian, est pour beaucoup dans l’éclosion de ce quatuor originaire, malgré leur nom, de Glasgow. C’est lui qui a notamment produit leur premier single à l’époque. Et, honnêtement, ils peuvent difficilement cacher son influence, au point que certains arrangements (voire même les chœurs) renvoient sans équivoque aux stars de la soirée.
Si la physionomie de la chanteuse rappelle celle de Starving, sa voix s’avère nettement plus affirmée, à l’inverse de son jeu guitare ou sa manière de pianoter sur un clavier (ne parlons même pas de son court séjour derrière les fûts). C’est toutefois le batteur qui fait la différence grâce à une excellente seconde voix mais aussi une aisance dans le dialogue et un humour omniprésent, qui ajouteront une plus-value à une prestation très agréable et pleine d’enthousiasme.
Belle & Sebastian a sorti en septembre dernier « Write About Love », un recommandable huitième album qui nous rappelle combien leurs compositions intemporelles et mélancoliques juste ce qu’il faut font mouche dès la première écoute. Et comme en live, ils mettent un point d’honneur à les faire vivre et à les rendre encore plus classieuses, on assiste à des moments intenses. Surtout qu’ils se donnent les moyens de leurs ambitions, tout en ne tombant pas dans la grandiloquence. Ainsi pas d’orchestre symphonique sur scène, mais quatre violonistes et des musiciens qui ont la faculté de passer d’un instrument à un autre sans éprouver la moindre difficulté (contrebasse, mélodica, flûte traversière, claviers,…).
Ce soir, ils vont commencer en douceur, Stuart Murdoch entamant « I Fought A War » seul à la guitare. Il porte un veston et un foulard qu’il ne gardera que l’espace de deux morceaux. Et, bizarrement, c’est lorsqu’il se retrouvera en t-shirt qu’on le sentira complètement déstressé et à même de donner la pleine mesure de son talent, adoptant régulièrement des pas de danse maniérés qui rappellent Ian Brown en moins viril. À sa droite, Sarah Martin se chargera de la voix féminine (divine sur « Women’s Realm »). Tant que l’on en est à parler du personnel sur scène, signalons la présence du bassiste de Teenage Fanclub ainsi que d’un membre de Camera Obscura qui, lui, se chargera des cuivres.
La set-list sera majoritairement axée sur leur back catalogue, provoquant une réaction hystérique de la part des spectateurs complètement conquis par la vibe 60’s qui entoure « I’m A Cuckoo », « Piazza, New York Catcher » ou « Legal Man ». On retiendra également une trilogie de titres issus des EPs sortis sur le label Jeepster au début de leur carrière, titres qui ne se retrouvent sur aucun album, si ce n’est la compilation « Push Barman To Open Old Wounds ». « This Is A Modern Rock Song », « Dog On Wheels » et « Photo Jenny » vont de fait « rappeler des souvenirs aux gens qui ont sensiblement le même âge que moi » précisera le leader, qui alternera parties de guitare et de piano tout au long du set.
Cela dit, malgré la qualité évidente de leurs nouvelles compositions, celles-ci ne seront que très rarement abordées. Pourtant, elles fonctionnent admirablement bien, comme le démontrera « I’m Not Living In The Real World », judicieusement introduite (et chantée) par le guitariste Stevie Jackson. Les excellents « I Didn’t See It Coming » et « I Want The World To Stop » seront les deux seuls autres titres puisés dans la cuvée 2010 du groupe.
En revanche, un concert de Belle & Sebastian ne serait pas le même sans le charisme de Stuart Murdoch, personnage attachant, communicatif (il en racontera, des histoires…) et boute-en-train. En invitant la chanteuse de Zoey Van Goey à danser quelques pas à ses côtés au beau milieu d’une chanson par exemple, ou en faisant monter cinq fans sur scène pendant « The Boy With The Arab Strap », terminant au milieu d’eux en leur décernant des médailles… Pointons également la répartie de Stevie Jackson qui, alors que le leader tentait de faire deviner un titre en trois lettres au public, entamera instantanément les premières mesures de « Stairway To Heaven », proposition en forme de boutade d’un spectateur. Inutile de vous dire que l’on ne s’ennuie jamais avec des types pareils.
Retour à la musique avec un classique indémodable qui clôturera le set principal, « Sleep The Clock Around ». Ce titre a beau avoir été composé en 1998, il n’en demeure pas moins d’une maturité et d’une qualité exemplaires. Pour notre plus grand plaisir, les rappels iront dans le même sens en revisitant la même période, grâce à un troublant « The State I Am In » et un enlevé « Me And The Major ». Une fois de plus, Belle & Sebastian a été impérial et aucune des cent minutes qu’a duré le concert n’ont paru superflues. Assurément un des concerts de l’année et un moment privilégié de ce dernier Domino Festival…