SHRI – Live in Europe 2004
Shri provient de l’Arizona, cet état désertique du fin fond des Etats-Unis, à la frontière mexicaine. Le groupe existe depuis une douzaine d’années et a déjà publié une bonne dizaine d’album, dont plusieurs en public. Dès 1996, après avoir surtout joué dans tous les recoins de l’Arizona, Shri effectue une première tournée en Europe et y revient régulièrement depuis.
Personnellement, je les avais découvert, en août 2001, au « Spirit of 66 » de Verviers. Cette soirée-là, nous n’étions pas plus de vingt-cinq personnes au total. Le groupe n’était même pas au complet et son leader, le chanteur Lee Lozowick, était parmi les absents. Deborah Auletta avait assuré tous les vocaux. Au départ, tous les musiciens respiraient une certaine froideur et ne semblaient pas vraiment déborder d’enthousiasme. Et pourtant, ce fut extraordinaire et cela restera un souvenir inoubliable. L’album « Shrino Elegies », sorti en 2001, que j’avais alors acquis, m’avait définitivement mis sous le charme.
Le nouveau CD sorti cette année, un double, reprend l’enregistrement de prestations effectuées lors de leur tournée européenne de 2004, en Allemagne et en France.
Voici les artistes présents :
- Lee Lozowick : Lead Vocals
- Deborah Auletta : Lead Vocals
- Ed Flaherty : Lead, Slide & Rhythm Guitar
- Doug Fulker : Lead, National & Rhythm Guitar
- Nachama Greenwald : Harmonica & Percussion
- Tina Zuccarello : Bass
- Rakini Chinery : Drums
- Everett Jaime : Rhythm Guitar & Drums
+ sur certains morceaux :
- Frank Giambelluco : Lead & Rhythm Guitar
- Mira Amadori : Violin
- Volkmar Ernst : Saxophone
Shri puise ses influences et son répertoire dans du « Blues » d’origines diverses : « Chicago Blues », « Delta Mississippi Blues », « Rhythm & Blues », « Gospel », … Que ce soit leurs propres compositions ou leurs reprises, elles sont toujours interprétées dans le respect de l’esprit des Pères du genre.
Les guitares prédominent avec de nombreuses parties en slide, souvent suivies par l’harmonica. Les solos sont fréquents, jamais écrasants, et ne nuisent pas à l’équilibre de l’ensemble. Le rythme est généralement traînant, paisible et sans hargne. Chaque guitare imprime fortement sa marque, même en rythmique. L’approche des vieux Bluesmen par une formation comme Canned Heat se retrouve souvent, chez ses guitaristes particulièrement.
Avec autant de guitares, la rythmique est très assurée et la basse de Tina Zuccarello cadre bien tout cela. La batterie et les percussions n’ont qu’une originalité, celle de bien suivre et on pense souvent à Fito de la Parra dans Canned Heat.
Lee Lozowick et Deborah Auletta, qui ne sont plus de toute première jeunesse, ne se retrouvent que rarement sur les mêmes morceaux. Lorsque c’est le cas, ils se relayent mais ne chantent jamais ensemble. Le premier récite plus qu’autre chose mais cela colle parfaitement à la musique et à l’ambiance. Par contre, la voix et les intonations de Deborah Auletta sont exceptionnelles. Une toute grande chanteuse de « Blues », qui fait penser à Janis Joplin, mais dans un registre moins forcé, plus maîtrisé et automatiquement plus abouti.
Voici le copieux détail de ces deux CDs :
CD 1 (59’53)
- « Service » (Lozowick/Flaherty) (3’52)
- « Over Your Head » (Lozowick/Flaherty) (5’55)
- « Walkin’ Blues » (Robert Johnson) (4’47)
- « I’m Worried » (Elmore James) (3’03)
- « Angel Of Mercy » (Albert King) (7’30)
- « I Don’t Know » (Brook Benton/Bobby Stevenson) (4’03)
- « One Way Out » (Elmore James) (5’31)
- « Crossroads » (Robert Johnson) (3’34)
- « Left My Baby Standin’ » (Fred McDowell) (11’27)
- « Summertime » (Heyward/Gershwin) (4’27)
- « Summertime » (Heyward/Gershwin) (5’31)
CD 2 (72’15)
- « Help Me » (Rice Miller) (9’38)
- « What You Need For Me ? » (Lozowick/Flaherty) (6’36)
- « Done Me Wrong » (Lozowick/Flaherty) (3’28)
- « Voodoo Chile » (Jimi Hendrix) (11’39)
- « Operator » (Lozowick/Flaherty) (5’09)
- « Cannot Hide From The Blues » (Lozowick/Flaherty) (4’04)
- « Trial » (Lozowick/Flaherty) (4’37)
- « First Time I Met The Blues » (Buddy Guy) (3’12)
- « All Along The Watchtower » (Bob Dylan) (10’14)
- « Two Hands » (Lozowick/Flaherty) (3’01)
- « I Learned My Lesson Good » (Lozowick/Flaherty) (4’12)
- « Smokestack Lightnin’ » (Chester Burnett) (6’29)
Une bonne moitié du répertoire est composée de reprises qui ne sont jamais interprétées sans originalités ; la qualité de l’autre moitié, composée par le duo Lozowick/Flaherty, n’a rien à envier aux premières.
Voici quelques exemples pour le premier CD :
« Service » donne directement l’ambiance générale et avec « Over Your Head », on ferme les yeux de plaisir. Le chant de Deborah Auletta est expressif à souhait, appuyé par une rythmique impeccable. Guitares et harmonica ponctuent à merveille ces deux compositions originales.
Le célèbre « Crossroads » de Robert Johnson, repris mille fois, prend ici une teinte spécifique au croisement des interprétations originelles et de celles de Eric Clapton ou Lynyrd Skynyrd.
« Left My Baby Standin’ » du trop oublié Fred McDowell génère également un immense plaisir. Les guitares crient et s’étirent sur un rythme répétitif et lancinant, idéal à leurs interventions en solo. Le deux vocalistes se relayent là-dedans, dans un esprit identique. Une vraie claque !
Les deux versions du classique « Summertime » sont interprétées dans un registre « Jazz » très marqué, autant par le jeu de guitare que par le chant de Deborah Auletta, qui y affiche ici tout son talent. Si la première version comprend l’harmonica de Nachama Greenwald dans un rôle important, la deuxième version voit apparaître le violon de Mira Amadori dans un rôle encore plus important.
Voici quelques exemples pour le second CD, encore meilleur que le premier :
Dans la superbe reprise « Help Me » de Rice Miller, chanteurs, guitaristes et violoniste se succèdent sur une assise rythmique parfaite.
La composition de Lozowick/Flaherty, « What You Need Me For ? », suit directement. Bizarrement, cela ressemble même parfois à du Pink Floyd à la sauce « Blues ». Sur une rythmique forte et appuyée, les guitares s’envolent et se succèdent dans de beaux duels, toujours « cool » : David Gilmour rencontrant John Cipollina de Quicksilver. Une réussite indiscutable et peut-être la meilleure pièce de l’album. J’ai adoré.
« Voodoo Chile », le classique de Jimi Hendrix, chanté par une Deborah Auletta, calme et superbe d’aisance, est plutôt joué dans le style de Canned Heat que de Jimi Hendrix. La guitare de Ed Flaherty y est omniprésente et se déchaîne plus qu’à l’habitude.
Comme l’avait également fait Hendrix, « All Along The Watchtower », de Bob Dylan, est également ici merveilleusement revisité. Si les deux chanteurs contribuent gentiment, le jeu des guitaristes et de l’harmoniciste est d’une intensité frissonnante.
« Two Hands » et « I learned My Lesson Good », deux autres compositions de Lozowick/Flaherty, mettent une nouvelle fois en valeur le chant de Deborah Auletta, avec les guitares glissantes et l’harmonica.
Un parfait album de « Blues ». Un régal pour les amateurs.
Pour information, Shri repartira cette année dans une nouvelle tournée européenne qui débutera en juillet et passera par la Belgique, dont une seule date est actuellement fixée (le 4 septembre au Nekkersdal à Laeken-Bruxelles). Avis aux organisateurs de concerts.
Pays: US
2004 Bad Poet Productions
Sortie: 2005